From the sky

La définition

Du soleil, beaucoup de soleil, les plus beaux paysages, l’amour, peut-être, mais le plus important, moi-même : c’était ma check-list ambitieuse des choses à trouver en quelques jours de congé en Italie. Les Pouilles, en solitaire avec mon sac de camping et ma Fiat louée, mais aussi avec mes blessures encore trop fraîches d’une rupture difficile. Je m’attendais à des vacances sympas, mais ce séjour express dans le Sud me réservait bien plus.

Pour avoir un peu de lecture, j’avais pris un livre avec moi – enfin deux vu que je ne voyage jamais sans ma Bible. C’était Du bonheur : un voyage philosophique, de Frédéric Lenoir. Malgré tout le bien que j’ai pu entendre de cet écrivain, j’ai eu beaucoup de mal à ouvrir ce livre après que mon ex me l’ait offert avec beaucoup de bienveillance. Et j’ai eu encore plus de mal à l’emmener avec moi pendant ces vacances où je cherchais définitivement à être seul face à moi-même, et pas en tête à tête avec un philosophe, qui d’après la quatrième de couverture, voulait m’aider à trouver le bien-être grâce à un remix édulcoré de concepts sur le bonheur et la spiritualité.

Ok, je suis un peu dur avec lui. Comme je le suis avec tant d’autres, qui, à en croire les critiques, sont les Avengers de la quête du bonheur, ou la Justice League de la lutte contre la déprime. En fait, c’est même injuste de ma part puisque je trouve son bouquin — et beaucoup d’autres de ce genre très vendeur — bien écrit et surtout riche en références, idées, exemples, qui peuvent à coup sûr nous inspirer, orienter et éclairer à n’importe quelle phase de notre vie. Mais ce qui me dérange en fait c’est la promesse, celle de l’auteur, parfois, ou de l’éditeur, trop souvent. La promesse que « cette-fois, il a résolu l’équation du bonheur » , ou bien encore que « ça y est, elle a élucidé le mystère de l’esprit humain », ou mieux que « là, ils ont vraiment découvert ce que vous avez toujours voulu savoir sur vous-même ». Pour moi ça revient à nous vendre des réponses unisexes et prêt-à-porter à des millénaires de questions aussi complexes que profondes.

Bref, revenons à ces vacances italiennes ! J’ai finalement pris le bouquin de mon ex, et surtout, je l’ai lu, malgré un périple de plus de 1000km ponctué d’images éblouissantes: les reliefs verts du parc national du Gargano, longés par une route côtière sinueuse reliant villes et villages, telle que la pittoresque Vieste; les décors baroques de Lecce, dont les monuments harmonieusement disposés autour de la Piazza Sant’Oronzo sont conçus avec la pierre blonde et chaude typique de la ville; le panorama idyllique de Polignano a Mare, avec son eau turquoise qui se laisse timidement goûter via une étroite plage de galets à flan de falaises; les entrailles du Canyon dans lesquelles résonnent encore des légendes comme celles de la belle Massafra et son ravin verdoyant, parsemé d’herbes médicinales et de grottes « magiques ». Toutes ces routes parcourues, ces paysages, me donnaient l’illusion que mes souvenirs douloureux et coupables s’éloignaient peu à peu, je sentais qu’ils laissaient place à une paix et un bien-être, bien que circonstanciels : la gastronomie, la musique et la beauté italienne aidant.

Mais un soir d’orage, bloqué dans ma tente, une phrase du fameux livre avait chamboulé cette béatitude d’un temps. Une définition, en quelques mots, clairement énoncée. L’auteur, je l’admets avec courage et pédagogie, proposait ni plus ni moins qu’une définition du bonheur, « le bonheur c’est la conscience d’un état de satisfaction globale et durable dans une existence signifiante fondée sur la vérité ». Sortie de son contexte, cette phrase alors même que je l’écris semble sonner creux. Pourtant Frédéric Lenoir, à force de références et d’illustrations, propose une définition du bonheur à la fois tangible et accessible. Il propose même différentes voies d’applications pratiques découlant de celle-ci, à la lumière de concepts anciens comme le stoïcisme, le taoïsme ou le scepticisme. Bizarrement, même si je restais admiratif devant la démarche riche et ambitieuse de ce livre, cristallisée dans cette définition, ce qui m’a déstabilisé ce soir-là n’était pas mon admiration mais plutôt ma déception. Une déception fascinante de ne pas me retrouver dans cette définition, de ne pas me retrouver dans sa définition. En effet, plus je lisais et relisais cette phrase comme une formule magique, plus je me rendais compte qu’elle n’avait aucun effet sur moi. Je la comprenais, c’était bien ficelé, ça tenait la route et devait sûrement parler à beaucoup de personnes, mais j’avais beau la retourner dans tous les sens, ça ne marchait pas pour moi. Je voulais me retrouver seul pour mes vacances, j’étais servi ! Certes le livre, cette définition, me conduisait à une question intéressante sur un élément qui ne figurait pas sur ma check-list : c’est quoi le bonheur ? Mais elle me laissait aussi devant un grand vide auquel je n’avais jamais pris garde auparavant: est-ce que je suis heureux ? C’était dur, même brutal. Grisé par les plaisirs des sens de mon voyage, une telle question existentielle qui surgit sans prévenir faisait l’effet d’une douche froide. La pluie battante y était probablement pour quelque chose. Justement abattue mais pas résignée, ce soir-là je priais un peu plus longtemps que d’habitude, un peu plus fort que d’habitude. Besoin d’aide, de réponses, de bonheur, si possible.

Le lendemain matin, ma tente avait survécu, l’orage était passé, mais il avait laissé derrière lui une grisaille et un froid humide qui ne venait pas arranger mon affaire. Comme je le faisais de temps en temps à cette époque, je lus le mail du jour de la newsletter chrétienne Un Miracle Chaque Jour, à laquelle je m’étais abonné récemment. Ce message quotidien d’espoir, me faisait souvent du bien, et m’apportait la plupart du temps un recul salutaire sur les tracas de la vie de tous les jours. Et ça commençait bien, la première phrase du mail me rappelait étrangement ma soirée passée : « Avez-vous déjà lu ces titres de magazines… “Devenez enfin vous-même !”, “Trouvez l’harmonie”… ». Toutefois, ce jour-là ce n’est pas vraiment le message en lui-même qui devait venir éclairer ma journée, il y avait un lien vers le clip d’une chanson que l’auteur recommandait. Par curiosité je cliquais, et me retrouvais tout à coup entraîné dans une réaction en chaîne improbable d’émotions et d’inspirations. La beauté et l’originalité du clip fait d’une succession de séquences de speedpainting, la voix suave et hypnotisante de la chanteuse accompagnée par une mélodie efficace au piano, les paroles qui paraissaient simplement venir tout droit du ciel: cette combinaison suffit à me faire faire quelques aller-retours entre rire et larmes, et à me faire prendre conscience d’une certitude, j’étais heureux. Non seulement j’étais heureux, j’en étais convaincu, mais surtout je savais pourquoi je l’étais: parce que je venais de choisir d’être heureux.


C’était aussi simple que ça et je venais de le réaliser. J’avais trouvé mon bonheur sans le chercher, en décidant de le vivre. Cette chanson en plus de m’avoir ému avait fait revenir à mon esprit de nombreux passage de la Bible parlant du bonheur. Des Béatitudes dans le nouveau testament aux Dix Commandements dans l’ancien, une multitude de phrases qui jusque-là étaient restées assez mystérieuses pour moi, me paraissaient finalement évidentes dans ce nouveau référentiel qui s’offrait à moi. Le bonheur ne s’obtient pas, il ne s’atteint pas, il se décide et se vit. La seule notion de recherche du bonheur est un lourd mensonge que nous avons créé nous-même, ou au moins une méprise – si fortuite. Dans la Bible, Dieu dit qu’il nous donne le choix entre la vie et la mort, le bonheur et le malheur, or il dit aussi qu’il a pour nous des plans de bonheur et non de malheur. Il faut donc seulement vouloir être heureux, faire le choix en âme et conscience du bonheur et de tout ce que cela implique, en particulier, de suivre Dieu sur son chemin, de se laisser guider par lui avec une confiance aveugle. Ce qui est puissant dans cette démarche c’est qu’au lieu de rechercher le bonheur on se retrouve finalement à chercher Dieu, qui lui nous conduit à nous trouver nous-même, à trouver nos vraies aspirations, nos espoirs profonds. Et Dieu s’engage à ce que ces derniers se réalisent, qu’on se réalise, car c’est ce qu’il veut, et nous en mettant tout en action à notre niveau pour cela, nous acceptons un deal très simple mais super rentable : « tu veux le bonheur, je te le donnes, fais seulement ce que je te dis pour que ça fonctionne ».

Alors que j’écris cet article, ça fait plus de 2 ans que j’ai vécu cette expérience mémorable, que j’ai trouvé ma définition du bonheur. Ironie du sort, je suis en Italie mais dans le Nord, en hiver et pour le boulot en plus. En regardant derrière moi, pendant ces 2 ans, j’ai eu le temps de guérir de mes blessures mais d’en vivre d’autres, de voir des étés radieux et des orages bien sombres. Et ce dont je peux témoigner aujourd’hui, c’est que quels que soient les événements que j’ai pu traverser sur cette si courte période de ma vie, mon bonheur, cet état choisi de confiance et d’espoir en un Dieu bon qui chaque jour me rapproche concrètement de lui, de moi-même, et de mon bien-être, ce bonheur-là il marche pour moi et il ne m’a jamais fait défaut.

Cet article fait référence à la newsletter Un Miracle Chaque Jour, disponible en libre accès sur ce site https://unmiraclechaquejour.topchretien.com/ et à la vidéo du clip « Viens dans ma vie » de Peggy Polito, disponible sur YouTube ici.

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